« L’obsession coupe la joie, réduit le monde, et pour ma part, me transforme en esclave. »
|
Alexandre Jollien
Le philosophe nu |
Alexandre Jollien
Le philosophe nu
|
« Il y a fort longtemps, en des jours oubliés, toutes les parties du corps humain se disputaient l'hégémonie. Chaque membre voulait gouverner. Les combats firent rage. Tour à tour, les candidats s'avancèrent pour prétendre au titre royal. Pas un organe qui ne se jugeât digne du premier rang. La tête proclama que, sans elle, le tout partirait en vrille, que l'anarchie aurait cours et que, décapité, le corps ne survivrait guère. Il y eut bien des adversaires de taille, les pieds par exemple, grâce à qui l'on voyage, mais à peu près tous semblèrent d'accord pour l'élire. Une voix timide, discrète, sourde pour tout dire, se fit soudain entendre : "C'est moi le chef." Ainsi commença l'anus. Inutile de s'attarder sur les railleries qui succédèrent aux propos de l'orgueilleux orifice. Froissé, le malheureux postulant décida de se mettre en grève. Les jours passant, il se bloqua même, progressivement mais sûrement. Alors la tête s'embruma à tel point qu'elle ne pouvait plus tenir les rênes. Elle divaguait à tout-va. L'estomac faisait lui aussi les frais de ce chômage. Bref, hallucinations, aigreurs, nausées... contraignirent l'assemblée unanime à nommer Sire Sphincter maître du corps. »
|
Alexandre Jollien
Le philosophe nu |
Alexandre Jollien
Le philosophe nu
|
« Qu'est-ce je peux faire pour me protéger de la vie ? Absolument rien. Et pourtant jour après jour, j'essaie de construire des boucliers et des façades qui me protégeraient du tragique de l'existence. La dimension tragique d e l'existence fait partie de la vie. Quand on l'a compris du fond de son être, on peut danser avec ce tragique sans se crisper. Mais en attendant il faut beaucoup de détermination pour s'en approcher petit à petit. Amiel disait : « Mille pas en avant quatre vingt dix neuf en arrière. C'est cela le progrès. » Le désir aliéné voudrait que l'on progresse une fois pour toutes, que l'on guérisse de toutes nos blessures intérieures. Mais la chose est sans doute radicalement impossible. Ce qui nous sauve c'est de savoir que l'on ne peut cohabiter avec elles sans qu'il y ait nécessairement de l'amertume. Et la détermination c'est peut-être par un jour épais de brouillard, quand on ne voit rien à deux mètres à continuer à avancer.. Ce qui m'aide, c'est le shikantza du zen. (p.60 et 61) »
|
Alexandre Jollien
Petit traité de l'abandon : Pensées pour accueillir la vie telle qu'elle se propose |
Alexandre Jollien
Petit traité de l'abandon : Pensées pour accueillir la vie telle qu'elle se propose
|