« Voudrais-je dire par-là que le pardon des crimes commis envers l'enfant est non seulement inefficace, mais encore nocif ? Oui c'est exactement ce que je veux dire. Car le corps ne comprend pas les précepts moraux. Il lutte contre le déni des véritables émotions et pour que la vérité accède à la conscience. Cette vérité a été refusée à l'enfant : il lui a fallu, pour survivre, se mentir et se montrer aveugle aux crimes de ses parents. L'adulte, lui, n'y est pas obligé, et s'il persiste quand même, il le paie cher, au prix de sa santé. Ou bien il fait payer autrui : ses enfants, ses patients, ses subordonnés, etc. Un thérapeute, par exemple, qui a pardonné à ses parents de l'avoir maltraité, se sentira souvent poussé à recommander ce prétendu remède à ses patients. Ce faisant, il exploite leur dépendance et leur confiance. S'il est, dans une grande mesure, coupé de ses sentiments, il ignorera généralement qu'il inflige aux autres ce qui lui a été autrefois infligé : il les trompe, sème la confusion dans leur esprit et rejette toute responsabilité car il est convaincu d'avoir agi pour leur bien. Toutes les religions ne s'accordent-elles pas à dire que le pardon conduit au ciel, Job n'a-t-il pas été finalement récompensé d'avoir pardonné à Dieu ? Si le thérapeute s'identifie à ses parents maltraitants, le patient n'a plus rien de bon à attendre de lui. »
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Alice Miller
Ta vie sauvée enfin |
Alice Miller
Ta vie sauvée enfin
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« La biographie de Rimbaud est un exemple typique de la façon dont le corps est astreint à chercher toute une vie durant la vraie nourriture dont il a été si tôt privé (NDR : l'amour maternel). Rimbaud était irrésistiblement poussé à vouloir combler ce manque, à apaiser une faim qui ne pouvait plus être assouvie. Dans cette optique, sa toxicomanie, ses pérégrinations et sa relation avec Verlaine ne s'expliquent pas seulement comme une fuite de la mère, mais aussi comme la quête d'une nourriture que cette dernière lui avait refusée. Du fait que cette réalité intérieure était astreinte à rester inconsciente, l'existence de Rimbaud fut placée toute entière sous le signe du mécanisme de répétition. Après chaque tentative de fuite ratée, il retourne chez sa mère. C'est ce qu'il fera après la rupture avec Verlaine et aussi à la fin de sa vie, après avoir sacrifié sa créativité, renoncé à l'écriture depuis des années et pris la profession de négociant : en d'autres termes, après avoir satisfait, indirectement, aux exigences de sa mère. Arthur Rimbaud passe certes les derniers jours de sa vie à l'hôpital de Marseille, mais auparavant il a séjourné auprès de sa mère et de sa sœur à Roche, se faisant soigner dans cette localité. Sa quête d'amour maternel s'est achevée dans la prison de son enfance. »
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Alice Miller
Notre corps ne ment jamais |
Alice Miller
Notre corps ne ment jamais
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« Pour moi, le savoir et la conscience ont toujours été quelque chose de positif. Il me paraissait donc illogique que Dieu ait défendu à Adam et Eve de découvrir la différence essentielle entre le Bien et le Mal. (...) Je me refusais intuitivement à considérer l'obéissance comme une vertu, la curiosité comme un péché et l'ignorance de ce que sont le Bien et le Mal comme l'état idéal, car, pour moi, la pomme de la connaissance permettait d'identifier le Mal et, de ce fait, représentait une libération, donc le Bien. (p.15) »
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Alice Miller
Libres de savoir : Ouvrir les yeux sur notre propre histoire |
Alice Miller
Libres de savoir : Ouvrir les yeux sur notre propre histoire
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