« J’ai raconté à Suzanne que Klaus `un ami` me tape parfois sur les nerfs, sans que je sache pourquoi. Pourtant, je l’aime. Je me mets toujours en rogne pour des petits choses, et après je me le reproche. Il est plein de bonnes intentions, dit qu’il m’aime et je sais qu’il tient beaucoup à moi. Pourquoi ai-je donc l’esprit si mesquin ? Pourquoi est-ce que je m’agace pour des broutilles ? Pourquoi ne puis-je être plus généreuse ? `…` J’avais écrit à Klaus une longue missive où j’essayais de dire combien je me sens mal quand il veut me dissuader de mes sentiments `…`. `…` Il ne m’a pas répondu tout de suite. J’appréhendais déjà sa colère, son exaspération devant mes incessantes ruminations, son rejet, mais je m’attendais quand même à une réaction. Au lieu de quoi, j’ai reçu, au bout d’une huitaine de jours, une lettre qui m’a absolument stupéfaite. Il me remerciait de la mienne, mais sans un mot sur son contenu. En revanche, il me racontait ses vacances, ses projets de randonnées en montagne, me parlait des gens avec qui il sortait le soir. J’ai senti le sol se dérober sous mes pieds. `…` Pour la première fois, j’ai clairement pris conscience que durant toute mon enfance je n’avais connu que cela, cette sensation d’être détruite dans mon âme. Ce qui m’arrivait maintenant avec Klaus, qui ignorait purement et simplement ma lettre, n’était pas une expérience nouvelle. Je connaissais ça de longue date. `…` L’anorexie répétait sans relâche : « Je meurs de faim parce que personne ne veut me parler. » `…` Plus je perce à jour, à travers mes souvenirs, le comportement de mon père, plus je comprends l’origine de mon attachement à Klaus et à d’autres amis du même genre. »
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Alice Miller
Notre corps ne ment jamais |
Alice Miller
Notre corps ne ment jamais
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« (Extrait d'une lettre de Freud au début de ses travaux (vérité qu'il ne put assumer et détourna par la suite en taxant ce genre de récit de "fantasmes")) : "Et il ressort là que ce père, par ailleurs prétendument noble et respectable, la prenait régulièrement dans son lit quand elle avait entre 8 et 12 ans et l'utilisait extérieurement ("la mouillait", visites nocturnes). Elle avait déjà peur alors. Une soeur, de 6 ans son aînée, à qui elle s'en était ouverte par la suite, lui avait avoué qu'elle avait vécu la même chose avec le père. Une cousine lui avait raconté qu'à 15 ans elle avait du se défendre des enlacements du grand-père. Bien sûr, quand je lui dis que des choses analogues et même plus graves avaient dû se passer également dans la toute petite enfance, elle ne le trouva pas incroyable. Par ailleurs, c'est une hystérie tout à fait courante avec les symptômes habituels." »
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Alice Miller
L'enfant sous terreur |
Alice Miller
L'enfant sous terreur
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« La vérité sur l'enfance dont beaucoup d'entre nous ont eu à souffrir est inconcevable, révoltante, douloureuse, monstrueuse parfois, toujours refoulée. Apprendre d'un seul coup cette vérité et intégrer cette connaissance est tout bonnement impossible, même si nous le désirons ardemment. La capacité de l'organisme humain à supporter des souffrances est - pour sa protection même - limitée, et touts les tentatives pour ignorer ces limites, pour lever brutalement le refoulement n'ont que des effets négatifs et souvent dangereux, comme toute autre forme de viol. Les séquelles d'une expérience traumatique ne peuvent être liquidées qu'une fois tous les aspects traumatiques de cette expérience revécus, reliés entre eux et dénoncés dans le cadre d'une thérapie qui les dévoilera avec prudence. Mise au point : à l'évidence, il ne suffit pas de ressentir les vieilles blessures pour nous libérer du passé, car la thérapie ne se limite pas à cela, loin s'en faut. Et il n'est pas toujours nécessaire, semble-t-il, de se confronter avec le passé de façon aussi intensive que, personnellement, je l'ai fait. Cela dépend de la situation actuelle, des ressources psychiques et du réseau relationnel de l'individu. »
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Alice Miller
Abattre le mur du silence |
Alice Miller
Abattre le mur du silence
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