« Tu sais, l’enfant qui naîtra n’aura pas à vivre les sacrifices que les événements nous ont imposés. Certes, il ne connaîtra jamais ses grands-parents, ni la société confortable, sécurisée et matérialiste dans laquelle on vivait. Mais justement, puisqu’il n’aura rien connu de tout cela, ça ne lui manquera pas. Quand il aura une dizaine d’années et qu’il pourra comprendre, nous lui raconterons à quoi ressemblaient nos vies d’avant. Comment nous passions des soirées entières à regarder des vidéos sur une machine composée de centaines de matériaux différents et alimentée par de l’électricité nucléaire, dont le flux vidéo passait par quelque chose que l’on appelait « Internet » et qui circulait dans des câbles sous-marins, des satellites artificiels ou des ondes Wi-Fi. Quand on lui dira tout cela, il ne nous croira pas. Si en plus, on lui dit qu’on pouvait commander en quelques secondes, sur un objet qu’on appelait « smartphone », des morceaux de poisson pêché dans un lointain océan, enrobés dans du riz et de l’avocat provenant de deux continents différents du nôtre, frais et servis dans du plastique jetable, il nous croira encore moins. Il se dira qu’on lui raconte un conte de fées, une histoire utile pour endormir les enfants, mais que tout le monde sait qu’elle n’est pas réelle. Lucas marqua une pause, prit le visage de Mathilde entre ses mains et termina par ces mots : — Notre enfant sera tellement plus adapté que nous à ce nouveau monde. Il se sentira libre. Il aura toute la Terre à reconquérir. Il est notre futur, il est le futur. »
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Antoine Weber
L'Hiver Solaire |
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