« À l’hôpital. Je fouille dans la poubelle des secrétaires, où j’ai jeté l’enveloppe d’un courrier de patient. Après l’avoir lu dans mon bureau, je me suis aperçu qu’il n’y avait pas d’adresse sur la lettre, qui demande une consultation. Les patients distraits ou perturbés font parfois ça. Vite, récupérer cette adresse sur l’enveloppe, impossible de laisser ce courrier triste sans réponse ! Je fouille, je remue, je retourne les vieux papiers, un ou deux mouchoirs jetables, des gobelets de café un peu collants. Pfff… Il y a plein d’enveloppes, évidemment, mais où est la mienne ? Les infirmières et secrétaires se moquent gentiment de moi, plongé dans la poubelle. Ça me fait rire aussi, mais je me sens parfaitement à ma place en train de faire ça. Bizarrement, j’entends une petite voix qui me dit : « Tout est OK, tu fais exactement ton boulot, et tu es exactement à ta place, à farfouiller dans les poubelles de la souffrance ; cherche encore un peu. »
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Christophe André
Les États d'âme: Un apprentissage de la sérénité |
Christophe André
Les États d'âme: Un apprentissage de la sérénité
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« Tu penses à Pascal et à son Mémorial, ces notes fiévreuses qu’il portait toujours sur lui et qu’on a retrouvées après sa mort dans la doublure de son vêtement. Tu penses à ce moment de feu et de foi qu’il a connu, le lundi 23 novembre 1654, « entre 10 heures et demie du soir jusques environ minuit et demi ». Frappé par la grâce, « “Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob”, non des philosophes et des savants. » Pas de cogitations ni de réflexions, mais une révélation, « Certitude. Certitude. Sentiment. Joie. Paix. » Pascal qui tombe à genoux sous la violence de ce qu’il est en train de vivre et de comprendre. « Joie, joie, joie, pleurs de joie. » Qui palpite et qui comprend, « Renonciation totale et douce. » »
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Christophe André
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« Je me souviens du choc à ma première lecture de la Lettre de Lord Chandos, célèbre nouvelle de l’écrivain autrichien Hugo von Hofmannsthal, qui raconte l’histoire d’un homme expliquant à un ami (le philosophe Francis Bacon) pourquoi il s’est retiré du monde, a renoncé à écrire et plus encore. « Toute l’existence m’apparaissait autrefois, dans une sorte d’ivresse continuelle, comme une grande unité… » « Depuis lors, je mène une existence que vous aurez du mal à concevoir, je le crains, tant elle se déroule hors de l’esprit, sans une pensée. `…` Il ne m’est pas aisé d’esquisser pour vous de quoi sont faits ces moments heureux ; les mots une fois de plus m’abandonnent. `…` Un arrosoir, une herse à l’abandon dans un champ, un chien au soleil, un cimetière misérable, un infirme, une petite maison de paysan, tout cela peut devenir le réceptacle de mes révélations `…`, la source de ce ravissement énigmatique, silencieux, sans limite. » Tant d’analyses ont été faites à l’infini sur la portée de ce texte (notamment l’incapacité du langage à traduire la complexité de toute forme d’expérience) qu’il est certainement, comme pour Pascal, réducteur de n’en extraire que ces quelques mots. Mais ils disent tant, et avec tant de force ! »
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Christophe André
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