« Il y a quelque chose de fascinant dans la façon dont bouge une colonie d'oiseaux dans le ciel ou un banc de poissons dans l'océan, dit Cillian. Il existe une telle harmonie, un tel synchronisme lorsqu'ils se déplacent au gré des vents et des courants que l'on dirait que tous, ils ne font qu'un. J'ai lu un jour que le plus fascinant dans tout ça, c'est qu'il n'y a pas besoin pour l'individu d'avoir une vue d'ensemble du tout pour savoir comment réagir, échapper à tel prédateur ou attraper tel courant porteur. Il suffit à l'individu de n'être conscient que des mouvements de ses proches voisins pour coordonner les siens propres. C'est ainsi que naît le parfait accord dans le déplacement et qu'apparaissent ces soudains changements de direction, ces ruptures instantanées de cap, comme si tous ils étaient aiguillés par le même esprit. Imagines-tu ce que l'Homme serait capable de faire s'il s'efforçait de prêter attention à ses prochains et de se comporter en harmonie avec eux ? Imagines-tu les grandes choses dont serait capable l'humanité ? Au lieu de ça, chaque individu, chaque nation, recherche son propre intérêt sans se soucier de ceux et celles qui les entourent. C'est pour ça que tous ils se heurtent et se cognent, s'assomment en plein vol, perdent des plumes et finissent tous un jour par tomber en chute libre, et par s'écraser au sol. »
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David Vall
De chair et de marbre |
David Vall
De chair et de marbre
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« Le garçon acquiesça en silence et la jeune fille au piano commença à jouer, tout en apesanteur, comme un susurrement au creux de l'oreille, d'une légèreté infinie, mais aussi empreinte d'une douleur intense et sous-jacente. Le chant calme et parfaitement cadencé de la main droite était accentué par l'usage du troisième doigt, le plus puissant au piano. Cillian se laissa bercer par cette poésie sans mot qui le laissait lui-même coi. Le premier épisode lent et sombre du morceau laissa la place à un nouvel élément encore plus lent parsemé d'accords égrenés et arpégés qui apportaient comme un espoir. Mais peu à peu, l'agitation gagna les doigts de l'interprète tandis que le volume sonore s'accroissait sur des figures obsédantes de triolets et de doubles croches en octaves qui s'accéléraient progressivement en montant sur le clavier, jusqu'à libérer comme un pavot qui éclate, un dernier passage passionné. Avec fébrilité et désespoir, le thème final se détachait maintenant avec une basse aux contours de plus en plus romantiques et tourmentés. Cillian retint son souffle jusqu'au final qui résonna dans sa poitrine comme une longue plainte. Il n'osa reprendre sa respiration que lorsque les mains de la jeune fille quittèrent le clavier pour venir se nicher dans son giron. "C'est une musique si triste, dit le garçon....." »
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David Vall
De chair et de marbre |
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