« Par « activité », selon l'acception moderne de ce mot, on entend d'habitude une action qui, par une dépense d'énergie, opère un changement dans une situation existante. Ainsi considère-t-on un homme comme actif s'il fait des affaires, étudie la médecine, travaille à la chaîne, construit une table, ou se livre aux sports. Toutes ces activités ont ceci en commun qu'elles visent un but extérieur à atteindre. Ce dont il n'est pas tenu compte, c'est de la motivation de l'activité. Considérons, par exemple, un homme poussé à un travail incessant par un sentiment d'insécurité et de solitude profondes -, ou un autre poussé par l'ambition ou la soif de l'argent. Dans tous ces cas, l'individu est esclave d'une passion, et son activité est en fait une « passivité » parce qu'il est poussé ; il est victime, non « acteur ». D'autre part, un homme qui se tient tranquille et qui contemple, sans autre intention ou objectif que de faire l'expérience de lui-même et de son unicité avec le monde, on le considère comme « passif » parce qu'il n'est pas « en train de faire » quelque chose. En réalité, cette attitude de méditation concentrée représente la plus haute activité qui soit, une activité de l'âme, qui n'est rendue possible que par la liberté intérieure et l'autonomie. Ainsi donc, au sens moderne, le concept d'activité se réfère à une dépense d'énergie en vue de la réalisation d'objectifs externes, tandis qu'en un autre sens, il se réfère à la mise en œuvre de pouvoirs inhérents à l'homme, sans se soucier qu'ait lieu un changement extérieur. Ce second sens du concept d'activité, Spinoza l'a formulé très clairement. Il distingue parmi les affects ceux qui sont actifs et passifs, les « actions » et les « passions ». Dans l'exercice d'un affect actif, l'homme est libre, il est maître de son affect ; dans l'exercice d'un affect passif, l'homme est poussé, objet d'une motivation dont il n'est pas lui-même conscient. Ainsi Spinoza en vient-il à affirmer que la vertu et le pouvoir sont une seule et même chose. L'envie, la jalousie, l'ambition, toute espèce de cupidité, sont des passions ; l'amour est une action, la pratique d'un pouvoir humain qui ne peut s'exercer que dans la liberté et jamais sous l'effet d'une contrainte. »
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Erich Fromm
L'art d'aimer |
Erich Fromm
L'art d'aimer
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« On peut dire sans exagérer que jamais la connaissance des grandes idées produites par la race humaine n'a été aussi répandue que de nos jours, et que jamais ces idées n'ont été aussi peu efficaces qu'aujourd'hui. »
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Erich Fromm
De la désobéissance et autres essais |
Erich Fromm
De la désobéissance et autres essais
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« La perte du Moi et sa substitution par un pseudo-Moi laissent l'individu dans un intense état d'insécurité. Il est obsédé par le doute puisque, étant essentiellement le reflet des attentes qu'ont d'autres personnes de lui, il a dans une certaine mesure perdu son identité. Dans le but de dépasser la panique résultant d'une telle perte d'identité, il est obligé de se conformer, de chercher son identité dans l'approbation continuelle et la reconnaissance des autres. Puisqu'il ne sait pas qui il est, au moins les autres le sauront – à condition qu'il agisse selon leurs attentes , s'ils savent, il saura aussi, s'il les prend au mot. »
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Erich Fromm
La peur de la liberté |
Erich Fromm
La peur de la liberté
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