« L'amour inconditionnel répond à l'un des plus profonds désirs nostalgiques, non seulement de l'enfant, mais de tout être humain ; par contre, être aimé en vertu de sa valeur, de ses mérites, laisse toujours place au doute ; que ce soit parce que j'ai déplu à la personne dont je désirais me faire aimer ou pour toute autre raison, il reste que je vis dans la crainte continuelle que l'amour vienne à disparaître. De plus, un amour "mérité" risque d'engendrer le sentiment amer que l'on n'est pas aimé pour soi-même, mais seulement parce que l'on plaît, en somme que l'on n'est pas aimé du tout mais utilisé. Dès lors, rien d'étonnant à ce que tous, enfants comme adultes, nous nous accrochions au désir nostalgique de l'amour maternel. La plupart des enfants ont heureusement la chance de jouir cet amour `...` Chez les adultes, par contre, ce même désir nostalgique est bien plus difficile à combler. Dans le cas d'un développement particulièrement favorable, il s'intègre à titre de composante dans l'amour érotique normal ; souvent il emprunte des formes religieuses, plus fréquemment des formes névrotiques. »
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Erich Fromm
L'art d'aimer |
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« Mais, outre l'apprentissage de la théorie et la pratique, il y a un troisième facteur nécessaire pour devenir un maître dans quelque art que ce soit - la maîtrise de l'art doit être l'objet d'une préoccupation ultime ; il importe que rien au monde n'ait plus d'importance que l'art. Ceci vaut pour la musique, la médecine, la charpenterie - et pour l'amour. »
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Erich Fromm
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« A son degré ultime, cette tentative de connaître confine au sadisme, au désir et à la capacité de faire souffrir un être humain ; de le torturer, de le contraindre à trahir son secret dans sa souffrance. Dans ce désir impétueux de pénétrer le secret de l'homme, le sien et dès lors le nôtre, réside une motivation essentielle de la cruauté et de la destruction en ce qu'elles ont de profond et d'intense. De façon très succincte, Isaac Babel a exprimé cette idée. Il cite le cas d'un officier, lors de la guerre civile en Russie, qui venant de piétiner à mort son précédent maître s'exprime en ces termes : "Quand vous tirez - je le dirai ainsi - quand vous tirez, vous ne faites que vous débarrasser d'un gars... En tirant vous n'atteignez jamais l'âme, là où elle se trouve chez un type, ni la manière dont elle se manifeste. Mais moi, je ne ménage pas, et plus d'une fois, j'ai piétiné un ennemi durant plus d'une heure. Voyez-vous, je veux arriver à savoir ce qu'est réellement la vie, à quoi la vie ressemble chez nous." Ce chemin vers la connaissance apparaît souvent en toute clarté chez les enfants. Ils démontent un objet, le démolissent afin de le connaître ; ou bien ils désassemblent un animal, arrachent cruellement les ailes d'un papillon pour en forcer le secret. Cette cruauté est en fait sous-tendue par une motivation plus profonde : le désir de connaître le secret des choses et de la vie. »
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Erich Fromm
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