« - (...) Et qu'est-ce qu'elle fait de sa vie, elle, à part attendre que son mari rentre le soir ? - Comme toi, observa monsieur Feyrières. - Oui, eh bien, maintenant que les enfants sont grands, je vais chercher du travail. Elle venait de le décider à l'instant. Mais on aurait pu croire qu'elle y pensait depuis plusieurs mois. - Toi ? Mais tu ne sais rien faire, remarqua son mari. Ce n'était même pas dit méchamment. »
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Marie-Aude Murail
Maïté coiffure |
Marie-Aude Murail
Maïté coiffure
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« Un autre cheminement se fait sur ces deux années, celui de ma foi. Le pèlerinage à Lourdes m'avait fait renouer avec le mysticisme de mon enfance et mon journal en garde la trace sous la forme de prières répétées. « Mon Dieu, donne-moi Ta volonté car je n'ai plus la force d'agir. Je ne comprends pas ce que je vis, ce que je suis. » Et plus loin : « Sans cesse je Te parle, j'écris Ton nom sur les feuilles de mes cahiers, je dis Ton nom dans toutes les langues. C'est un bonheur que de T'appeler, Toi, Toi qui ne réponds pas ». De fait, Dieu ne me répondit jamais, ce qui était préférable pour ma santé mentale, mais j'y laissai ma foi. « Croire. C'est un mot qui ne veut plus rien dire pour moi. J'ai peur parfois que ce néant qui a remplacé ma confiance d'autrefois, les fiançailles avec Celui qui me relance de temps à autre, nostalgie d'un dimanche, solitude du midi, puis que j'oublie parce qu'Il n'est plus de ma vie, Lui qui m’était un ami, un confident, un complice presque. Je ne peux plus croire en Lui parce qu'il n'est pas possible qu'Il existe ». Les dernières lignes de mon journal laissent à penser que je me suis rangée à l’avis de Jules Renard quand il note dans le sien : « J'ignore si Dieu existe, mais il vaudrait mieux, pour son honneur, qu'il n'existât point. ». Pourquoi a-t-il inventé ce mal horrible qui ronge les enfants, les vieillards, qui détruit les familles ? Ce mal que je peux à peine nommer, qui me révulse comme s'il m'avait déjà touchée car je sais qu'il m'attend. Il faut que je l'écrive. Cancer, voilà. Étrangement, je m’y sens destinée. »
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Marie-Aude Murail
En nous beaucoup d'hommes respirent |
Marie-Aude Murail
En nous beaucoup d'hommes respirent
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« Monsieur Morlevent, le prévint la juge assez solennellement, vous êtes en présence de votre demi-frère et de vos demi-soeurs, Siméon, Morgane et Venise Morlevent. - De mon... de mes..., suffoqua Barthélémy. Venise s'était enfin plantée devant lui, son dessin à la main. - Je t'ai fait une maison, lui expliqua-t-elle. C'est celle où on va habiter avec toi. Là, c'est mon lit en hauteur et, là, c'est le congélateur. Barthélémy se baissa pour mieux entendre les commentaires de la petite. A chaque nouvelle précision, il faisait "oh, boy !" l'air effaré. - Je t'ai dessiné trois coeurs avec ton nom parce que je t'aime un peu, beaucoup, à la folie. Ils se regardèrent, presque nez à nez, et Venise posa la question fondamentale, celle qui permet d'opérer un premier tri entre les méchants et les gentils. - Tu aimes les bisous ? »
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Marie-Aude Murail
Oh, boy ! |
Marie-Aude Murail
Oh, boy !
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