« A quel instant situer le changement de climat culturel : le passage du social au sociétal, de qui est juste à ce qui se dit moderne, de l'égalité à l'équité, de l'élan de solidarité au crime humanitaire, de la culture pour tous à la culture pour chacun, du fraternel au compassionnel, du "changer la vie" au "changer de cantine" ? Quand le prolo est-il devenu le beauf de Cabu, Le militant, supporter; le courant de pensée, écurie; la classe, réseau; et le bobo, boussole ? Quand l'adresse des raout a t-elle glissée de la Maison des Métallos à la Maison d'Amérique latine et le lieu de pèlerinage de Latché à Marrakech? Je constate simplement qu'au réchauffement global de l'atmosphère terrestre a correspondu au niveau de la mer un net refroidissement des passions civiques" (pg 17) »
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Régis Debray
Rêverie de gauche |
Régis Debray
Rêverie de gauche
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« De même que la scène profane assigne sa place au sacré, de même ne peut-on crucifier tel ou tel pays sur sa religion d'origine. Il n'y aurait pas d'identité grecque sans l'orthodoxie, ni indienne sans l'hindouisme, mais la Grèce n'est pas que ses popes ni l'Inde, que ses castes. Pas plus que Confucius ne résume la Chine. Ce sont les fondamentalistes d'Occident et d'Orient qui identifient une société à sa divine différence, qu'ils ont tôt fait de convertir en une 'abstraction totalisante'. Ainsi M. Huntington et M. Ben Laden s'entendent-ils fort bien pour sculpter dans le marbre un 'Homo occidentalis' ici, et là un 'Homo islamicus', entités closes et immuables, monades sans portes ni fenêtres. Les mythologies tête-bêche de l'identité-substance, qui animent les croisés de l'Essence, s'alimentent mutuellement. En dénoncer l'absence de fondement objectif ne les rend pas moins épidémiques. Non pas quoique mais parce qu'ils font fi des entrelacs du réel, les englobants enchanteurs du "choc des civilisations", dont l'irréalisme fait justement le succès, mobilisent d'autant mieux qu'ils sont idiots, donc rassurants. »
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Régis Debray
Le feu sacré |
Régis Debray
Le feu sacré
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« Doit-on rendre grâce aux religions positives d'avoir peu à peu canalisé, rythmé et sublimé les stimuli de la testostérone, contribuant de la sorte à une lente et difficile domestication de la bête masculine, ou bien faut-il leur tenir rigueur d'avoir ajouté la morale à l'hormone, en rendant l'agresseur compulsif encore plus dangereux que nature ? »
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Régis Debray
Le feu sacré |
Régis Debray
Le feu sacré
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