« La montée des références religieuses dans les textes de la Communauté `européenne`, puis de l'Union, est allée de pair avec la déchristianisation des individus. C'est bien le signe que le public n'a pas à l'égard du 'méta' la même marge de manœuvre que les personnes privées. La logique des collectifs est une chose, la psychologie des membres en est une autre. Limite de l'horizon libéral : le sacrosaint si-je-veux-et-quand-je-veux, qui détricote, ne permet pas de renouer. Et encore moins d'anticiper. »
|
Régis Debray
Le feu sacré |
Régis Debray
Le feu sacré
|
« Le concept de communauté est un concept métalogique (comme on a dit "métaphysique"). Le 'méta' s'est exprimé d'abord sous la forme 'mytho', puis 'théo', et récemment 'idéo'-logique. Trois avatars historiques d'un principe apparemment structural d'incomplétude, selon lequel aucun ensemble ne peut se "clore" avec les éléments actuels de cet ensemble. Il tient sa cohésion d'un point d'inactualité, hors de son point immédiat d'existence. D'où dérive une sorte de loi du retard, selon laquelle le moment de l'excellence ayant déjà eu lieu, progresser c'est toujours rattraper. Le néo serait alors un archéo qui s'ignore, et la nostalgie, une dynamique. »
|
Régis Debray
Le feu sacré |
Régis Debray
Le feu sacré
|
« L'image d'abord L’Amérique est entrée dans l'histoire et dans nos cœurs par l'image; elle a la fibre optique. L'Europe dans l'histoire et nos cerveaux par des écrits ; elle a la fibre optique. Les héros du Nouveau Monde ne sentent ni l'encre ni la térébenthine. Ils sont sur pellicule. Buffalo Bill ne s'est pas distingué par son autobiographie, mais pas ses exhibitions. On ne connait pas d'essais politiques signés Franklin Roosevelt. Le président Kennedy n'a pas laissé de journal ni de correspondance; et ne parlons pas de ses successeurs. Enlevez à de Gaulle ses mémoires de guerre et à Napoléon le Mémoriel de Saint-Hélène, le mythe sera incomplet, et la transfiguration boiteuse. Enlevez Jean Gabin et Michèle Morgan à la France du Front Populaire, à l'Amérique de la nouvelle Frontière, vous lui coupez les jambes. Un album, à tout prendre, pourrait résumer le siècle américain en cent photos (dont un bon tiers de stars); une anthologie, l'Europe du XXe siècle en cent textes (dont un bon tiers de poèmes, manifestes ou nouvelles). On trouvera dans le premier des photos légendaires, et dans la seconde des textes illustrés. L'auteur de l'album aura visionné en vidéothèque, l'auteur de l'anthologie compulsé en bibliothèque. On durcit le trait, pour sûr, mais la mise à l'écart de l'Europe aurait été impossible sans celle de la culture écrite par la culture visuelle.Le cinéma a crée les États-Unis, pour lesquels c'est beaucoup plus qu'un moyen d'influence. C'est l’origine de leur puissance. Trump, comme naguère Reagan, est le shérif du film. John Wayne aux manettes. »
|
Régis Debray
Civilisation |
Régis Debray
Civilisation
|