« La gauche « socialiste », en France, avec le point de mire se substituant au socialisme que fut, dans les années 1980, « l’Europe sociale », a fini par faire sienne la loi du marché (privatisation des services publics, démantèlement de l’État-providence, dérégulation de l’économie) et à communier dans le dogme, peu socialiste, d’une concurrence libre et non faussée. »
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Régis Debray
L'Europe fantôme |
Régis Debray
L'Europe fantôme
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« S’affirmer à présent bon européen, comme jadis bon chrétien, c’est se ranger parmi les gens fréquentables et l’eurosceptique qui se prive de ce témoignage de moralité, sait se faire discret par crainte de se voir assimilé au nationaliste qui sacrifie l’amitié entre les peuples à de frileux et sordides réflexes. »
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Régis Debray
L'Europe fantôme |
Régis Debray
L'Europe fantôme
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« (p. 347-348, chap. 11, Les paradoxes de la vidéosphère) L'image physique (indicielle ou analogique : photo, télé, cinéma) ignore l'énoncé négatif. Un non-arbre, une non-venue, une absence peuvent se dire, non se montrer. Un interdit, une possibilité, un programme ou projet – tout ce qui nie ou dépasse le réel effectif – ne passent pas à l'image. Une figuration est par définition pleine et positive. Si les images du monde transforment le monde en image, ce monde sera autosuffisant et complet, une suite d'affirmations. « A brave new world. » Seul le symbolique a des marqueurs d'opposition et de négation. L'image ne peut montrer que des individus particuliers dans des contextes particuliers, non des catégories ou des types. Elle ignore l'universel. Elle doit donc être appelée non pas réaliste mais nominaliste : n'est réel que l'individu, le reste n'existe pas. `…` L'image ignore les opérateurs syntaxiques de la disjonction (ou bien... ou bien) et de l'hypothèse (si... alors). Les subordinations, les rapports de cause à effet comme de contradiction. Les enjeux d'une négociation sociale ou diplomatique – sa raison d'être concrète en somme – sont, pour l'image, des abstractions. Non le visage des négociateurs, ses figurants. L'intrigue compte moins que l'acteur. L'image ne peut procéder que par juxtaposition et addition, sur un seul plan de réalité, sans possibilité de métaniveau logique. La pensée par image n'est pas illogique mais alogique. `…` L'image enfin ignore les marqueurs de temps. On ne peut qu'en être contemporain. Ni en avance, ni en retard. La durée ? Une succession linéaire de moments présents équivalents les uns aux autres. Le duratif (« longtemps, je me suis couché de bonne heure »), l'optatif (« levez-vous vite, orages désirés... »), le fréquentatif (« il m'arrivait souvent de... »), le futur antérieur ou le passé composé n'ont pas d'équivalent visuel direct (du moins sans l'aide d'une voix off). Ces quatre déficits sont des faits objectifs, non des jugements de valeur. Et tout l'art du cinéma consiste à les « tourner ». »
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Régis Debray
Vie et mort de l'image |
Régis Debray
Vie et mort de l'image
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