« (L'art, artisanat ancré dans la terre, p. 214-215, chap. 7, La géographie de l'art) L'artiste est un bouseux, il a les pieds dans le pagus et la main à la pâte. Tout ce qu'il y a de métier dans la représentation colle à la terre, avec ses tombes, ses bornes, ses territoires. Aux campagnes. École française, italienne, flammande, etc., c'est « pays » français, italien flamand, etc. Comme la spiritualité, tout art est local : il exprime, le plus souvent à son insu, le génie d'un lieu cristallisé en une certaine lumière, en couleurs, en tonalités, en valeurs tactiles. Le travail pictural lui-même, qui devrait s'écrire pictrural, est partie « des travaux et des jours ». Van Gogh : « Le symbole de saint Luc, le patron des peintres, est un bœuf. Il faut donc être patient comme un bœuf si l'on veut labourer dans le champ artistique. » `…` L'homme pressé des mégapoles répugne aux patiences fermières du labour. Vitesse, paresse, la rime est bonne. Ne nous étonnons pas demain si « un monde sans paysans » devient « un monde sans art ». Les arrières-pays et les avant-gardes étaient peut-être plus solidaires que nous le pensions. Ubiquité de l'information, dématérialisation des supports, glisse des véhicules, convocation sur écran de toutes choses. Une agriculture hors sol, comme une langue sans mots, une monnaie sans papier et un golf sans green trouvent dans l'image de synthèse son complément optique. Le visuel numérisé est trop international pour avoir l'âme champêtre : il est à la fois planétaire et « acosmique ». »
|
Régis Debray
Vie et mort de l'image |
Régis Debray
Vie et mort de l'image
|
« (Du rôle de la norme, p. 167, chap. 5, La spirale sans fin du temps) On connaît déjà les paradoxes et les impasses propres à ce que Octavio Paz appelait « la tradition du nouveau ». Que devient en effet l'écart à la norme en l'absence de norme Comment distinguer l'avant-garde du kitsch, lorsque le gros de la troupe fait de l'avant-gardisme ? Sans classicisme en repoussoir (enseignement, corpus, canon et concours), la contestation se disloque en bric-à-brac. Par ailleurs, la multiplication de l'inaccoutumé précipite un renouvellement des formes et des procédés ; d'où la précarité des innovations, l'usure par saturations des regards, et le retour final à l'indifférencié de départ. Trop de nouvelles banalisent le nouveau, et à force de s'événementialiser, le spectacle devient le public. Un cocktail de vernissage, sans début ni fin, passant d'une galerie à l'autre, recouvrant d'une confuse et identique rumeur d'étonnantes bizarreries qui se succèdent sur les murs à toute vitesse, sans plus étonner personne : ainsi s'accélère, de décennie en décennie, la progressive désuétude de l'insolite pictural. »
|
Régis Debray
Vie et mort de l'image |
Régis Debray
Vie et mort de l'image
|
« C'est depuis peu que République a pris son sens, actuel et précis, d'association politique fondée sur la libre adhésion des personnes à un idéal partagé. »
|
Régis Debray
La République expliquée à ma fille |
Régis Debray
La République expliquée à ma fille
|