« Naguère, les hommes se haïssaient en fonction de ce qu'ils pensaient. Le fait qu'ils se haïssent désormais en fonction de ce qu'ils sont constitue une incontestable régression. Tutsi ou bien Flamands, Hutu ou bien Wallons. C'est la revanche du barbare, cette part moche de nous-mêmes que nos idéaux avaient laissée dans le noir, et nos moralistes dans les angles morts de l'Université. En refusant de s'aventurer sur ce "terrain dangereux", un rationalisme devenu pudibond suscite une incapacité pathologique à comprendre le présent autrement que comme pathologique. Le triomphe du viscéral sur le réfléchi et l'épidémie des réflexes communautaires parmi nos grandes consciences nous administrent un camouflet dont l'homme des Lumières peut avoir moralement honte, mais dont il devrait plutôt tirer au jour les raisons s'il ne veut pas donner à son tour dans l'exorcisme ou l'euphémisme. Prélude à une capitulation morale où le drapeau blanc s'avancerait derrière la bannière "démocratie et modernité". »
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Régis Debray
Le feu sacré |
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« Les protestants, dit-on, servent la libre pensée quand ils sont minoritaires (le camisard des Cévennes en France), et le conformisme le plus étouffant quand ils sont majoritaires (le pasteur consentant de l'Allemagne hitlérienne). Selon qu'il s'exerce en défense, du faible au fort, ou bien en dominance, du fort au faible, le même credo peut changer de signe, et d'aide à la dissidence, devenir le lendemain facteur d'obéissance. Aussi est-il bon, avant de tresser des couronnes, de considérer, non la doctrine ou le martyrologe, mais l'arithmétique et le rapport des forces. Il n'est pas rare en effet que des fois minoritaires (christianisme préconstantinien ou communisme d'État) veuillent continuer à bénéficier, une fois transformées en religions officielles ou établies, des sympathies qui les entouraient quand elles étaient traquées ou hérétiques. »
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Régis Debray
Le feu sacré |
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« Il ne faut pas mépriser les technologies nouvelles du fait qu'elles sont nouvelles ou qu'elles sont technologiques.La technique, ce n'est pas un vilain mot. Elle a toujours contracté mariage avec une esthétique. 'p.240). »
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Régis Debray
Entretiens d'un été |
Régis Debray
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