« L'animal doué de raison est le seul qui tue son congénère par conviction, et non sous l'emprise du besoin. Pour avoir honneur, raison, prestige, et non pas la vie sauve. Le seul qui transforme son agressivité en institution, duel ou guerre sainte. Ou son instinct en devoir, patriotique ou mystique, car il ordonne ses comportements à des convictions, ou son actualité à de l'inactuel - visions, légendes, choses disparues ou attendues. Entre la niche où il vit et l'univers matériel, entre son tout et le tout, il glisse des riens aériens, qui pèsent plus que le fait. »
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Régis Debray
Le feu sacré |
Régis Debray
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« Nous voilà peu ou prou atteints, Européens surprotégés, par le 'syndrome de Cotard'. Ce psychiatre français a attaché son nom, depuis 1882, à un délire singulier, en voie de banalisation : l'immortalité mélancolique. Les malades s'imaginent voués à une survie sans fin, sans trépas possible. Loin de les exalter, cette assurance les plonge dans une profonde déprime. Ces zombies n'ont plus de nom, plus d'attache, plus de pays. Ils flottent. Le réel s'évanouit. Et l'âme avec. Le Club Med à perpétuité. Ceux qui croyaient en Dieu n'en ont plus la moindre idée. Et ils souffrent, implorant le médecin traitant de les délivrer de l'immortalité. Au fond, il n'y a que deux catégories d'êtres qui peuvent se payer le luxe de ne croire en rien : les autistes et les dieux. »
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Régis Debray
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« Le triomphe du 'on' sur le 'nous', à quoi revient l'apothéose du 'moi', l'adoucissement des mœurs politiques (plus de légitimité issue de l'émeute ou de l'insurrection), l'automobile, habitacle égoïste, et le contrat d'assurance conduisent les habitués des 'war games' à zéro mort à oublier les soubassements, sueur et sang, de la transcendance. »
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Régis Debray
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