« La vie monastique est une subversion sociale que son introversion excuse. Chaque partie en présence trouve son compte à ce qu'elle demeure couleur muraille : notre société capitaliste, car si cette vie obscène se mettait un peu plus en scène, elle nous dévoilerait l'obscénité de ce que nous tenons pour la décence même (sexe, foot, bruit, fric). Et les instituts eux-mêmes, parce que, pour vivre saintement, vivons cachés. Aussi n'avons-nous pas à mettre les moines et moniales en prison, pour atteinte aux bonnes mœurs, ils y sont allés d'eux-mêmes, et de bon cœur. »
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Régis Debray
Le feu sacré |
Régis Debray
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« Notre modernité tardive rappelle par beaucoup de traits l'Antiquité tardive, si riches en érotismes, exotismes, syncrétismes, effusions, sectes et mystères venus de l'Orient profond. Plus que dans leur pays d'origine, les spiritualités ont chez nous le vent en poupe. Elles offrent du sens au rabais et sans engagement de notre part, comme à la tête du client (lequel attendra d'un stage payant en Dordogne qu'il lui transfuse en six jours ce qu'a produit au loin le travail des siècles). Et à l'opposé de ces randonnées intérieures, nous voyons prospérer sur la place publique des quasi-religions sans spiritualité (ce qui ne veut pas dire sans valeurs morales), comme aujourd'hui le culte mondialisé du sport, ou le credo droit-de-l'hommiste, ou naguère encore, le communisme, ce bref islam de l'Occident moderne. Ces simili-religions sans troisième dimension, au tir court, ont une moindre portance que les tenantes du titre, mais si le titulaire défaille, elles peuvent toujours assurer un remplacement - convoquer les foules, galvaniser des énergies, recoudre des identités. »
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Régis Debray
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Régis Debray
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« L'éclipse proclamée des transcendances a plus stimulé que découragé notre quête de "valeurs indivisibles et universelles", "références intangibles", "principes suprêmes", ou de "pères fondateurs", dont une modernité aussi présomptueuse qu'ingénue nous promettait naguère bon débarras. »
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Régis Debray
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