« Quel est le sens de la vie?? Je suis sûr que les boîtes de sauce tomate s’en tapent. Sûrement concentrées à penser à autre chose. »

« Augustin aime les mercredis, ils sont sages comme des images. Loin des gamins qui courent dans les parcs, loin des ballons de basket qui rebondissent sur le béton. Loin des nounous qui crient « arrête de manger du sable?! » Loin des centres aérés qui ne le sont pas vraiment. Loin des autres qui ne comprennent pas cet enfant de douze ans, amoureux de la solitude. Augustin le sait, il est bizarre. Étrange comme une soie qui gratte, un parfum qui pique, un fruit sans saveur. Augustin est différent. Il n’aime pas courtiser le monde, il ne se courbe pas quand les Rois se présentent. Il ne rit pas à toutes les blagues du bouffon et peut vous guillotiner avec de simples mots. Souvent, il vous raconte des histoires de dragons que vous ne croyez pas. Souvent, il rêve de vous jeter au bûcher parce que les dragons existent vraiment. Augustin est cet enfant qu’on aime dans le quartier, mais qu’on n’invite jamais à goûter. Augustin est invisible, mais les yeux le jugent, l’ordonnent et le forgent. Augustin est ce soldat posté au front, sans armes, sans compagnons. L’ennemi le blesse et lorsqu’il crie, on lui demande de se taire. Il livre une bataille sans hurlements, sans douleur, sans bombes, sans terre qui tremble. Une lutte silencieuse, mais assourdissante. Ce genre de guerre dont on ne parle pas dans les livres d’Histoire. Un combat intérieur, qui, pour les autres, n’est que rumeur. »

« Les filles naissent dans les roses. Les garçons dans les choux. Augustin et les framboises, dans les ronces. Augustin a lu dans un livre que ces fruits ne venaient pas d’une graine, mais d’un drageon, un rejet qui prend naissance sur une racine. Lui aussi a les racines profondes. Tellement profondes qu’il a parfois du mal à savoir d’où il vient. Sous les ronces, se cache peut-être un royaume. Un royaume où les rejetons ne seraient plus drageons, mais dragons. Un royaume où le monde serait inversé, où les racines joueraient avec les étoiles et où l’on dormirait sur les nuages. »